Depuis des siècles, la quête d’une serrure inviolable a fasciné inventeurs et serruriers. Ce Saint Graal des serrures est censé être totalement sûr et sécurisé, protégeant les maisons contre toute tentative d’intrusion. Mais ce type de serrure existe-il réellement ?

Cet article explore le mythe de la serrure parfaite, en examinant les différentes techniques de crochetage et les limites de la sécurité physique.

L’histoire de la serrure

Les premières serrures, apparues il y a plus de 4000 ans, étaient rudimentaires et facilement crochetables. Au fil du temps, les mécanismes se sont complexifiés, intégrant des goupilles (ou pistons), des ressorts et des systèmes de sécurité de plus en plus sophistiqués.

Cadenas Bramah

La célèbre serrure Bramah

Nous devons évoquer Joseph Bramah (1748-1814), un inventeur et ingénieur anglais qui a profondément influencé le domaine de la serrurerie. Son invention la plus célèbre est la serrure à pompe Bramah, brevetée en 1784 et reconnue comme étant inviolable grâce à son mécanisme complexe à barrettes coulissantes.

Pendant longtemps, un défi était affiché devant la boutique londonienne, avec un cadenas attaché, connu sous le nom de « Challenge Lock ». Ce défi promettait une récompense de 200 guinées à quiconque pourrait crocheter le cadenas.

Ce défi resta sans réponse pendant plusieurs décennies, renforçant ainsi la réputation de la serrure Bramah. C’est un serrurier américain, Alfred Charles Hobbs, qui réussit à ouvrir la serrure Bramah, 67 ans plus tard, lors de l’Exposition universelle de 1851. Il lui aura fallu 51 heures réparties sur 16 jours pour accomplir cet exploit.

Fonctionnement universel des serrures

Malgré la diversité des modèles de serrures présentes sur le marché, elles sont toutes conçues pour assurer leurs fonctions fondamentales de verrouillage et déverrouillage. Ces fonctions ne peuvent être obtenues qu’après la reconnaissance préalable de la clé par la serrure.

Principe de fonctionnement d’une serrure à clé

La clé a un motif spécifique de crans qui, lorsqu’il est présenté dans la serrure, aligne les goupilles de telle manière que la clé puisse tourner dans le sens de verrouillage ou déverrouillage de la serrure.

Vue en coupe d'un cylindre

Le fonctionnement d’une serrure peut varier selon son type, mais voici le processus général :

  • Introduction de la clé
    Pour ouvrir ou fermer une serrure, vous insérez une clé correspondante dans le cylindre de la serrure.
  • Alignement des goupilles
    A l’intérieur du cylindre se trouvent plusieurs paires de goupilles, composées d’une goupille active et d’une goupille passive. Lorsque la clé est insérée, les goupilles sont plus ou moins repoussées en fonction de la hauteur des dents de la clé. Lorsque les goupilles sont alignées correctement au niveau de la ligne de césure, entre le rotor et le stator, le cylindre peut alors tourner librement.
  • Activation du mécanisme de verrouillage
    Lors de sa rotation, le rotor est couplé avec le panneton d’entraînement et active le mécanisme de verrouillage, permettant ainsi d’ouvrir ou de fermer la serrure.
  • Retrait de la clé
    Une fois la serrure ouverte ou fermée, vous retirez simplement la clé du cylindre. Les goupilles sont alors repoussées en position de repos (brouillage de la combinaison).

Ouverture fine et manipulation de serrures

L’ouverture fine est l’art de manipuler les mécanismes internes d’une serrure pour l’ouvrir sans la clé. Il s’agit d’une technique complexe et délicate qui exige de la patience, de la pratique et un bon niveau de compréhension des serrures.

Voici les principales techniques d’ouverture fine de serrure :

  • Crochetage
    A l’aide d’outils dédiés (palpeur et tenseur), il s’agit de manipuler les goupilles de la serrure une à une afin de les positionner sur la ligne de césure du rotor.
  • Impression
    Cette méthode permet de tailler une clé fonctionnelle à partir des marques laissées sur une clé lors de son insertion dans la serrure.
  • Raclage
    Cette technique consiste à insérer un outil de raclage et un tenseur dans la serrure, puis d’appliquer une légère pression sur le tenseur tout en effectuant des mouvements de va-et-vient avec le racleur pour positionner plusieurs goupilles en même temps et tenter d’ouvrir la serrure.
  • Bumping (ou clé de frappe)
    Cette méthode utilise une clé spécialement conçue, appelée « bump key », qui est insérée dans la serrure et frappée avec un marteau ou un objet similaire. Le choc exercé sur les goupilles actives provoque le renvoi des goupilles passives sous la ligne de césure durant un bref instant, ce qui peut permettre l’ouverture de la serrure.
  • Pick Gun (Pistolet de frappe)
    C’est un outil mécanique qui vient frapper les goupilles actives, renvoyant durant un court moment les goupilles passives sous la ligne de césure. Ainsi, il est possible d’obtenir l’ouverture de la serrure .

Les limites de la sécurité physique

Le mythe de la serrure incrochetable semble remonter à la révolution Industrielle. A cette époque, de nouvelles idées, qui semblaient jusqu’alors impossibles, se concrétisent. C’est ainsi que les serrures simples cèdent la place à des modèles de plus en plus sécurisés. A cette vitesse, ce n’est qu’une question de temps avant que quelqu’un invente une serrure qui ne pourrait pas être crochetée…

Pendant plus d’un demi-siècle, on pensait avoir atteint cet objectif avec la serrure Bramah. Son crochetage en 1851 a marqué un tournant dans l’histoire de la sécurité physique. Cela a démontré qu’aucune serrure n’est réellement incrochetable et a conduit à des développements et des innovations dans les technologies de sécurité.

Conclusion

Tant qu’une serrure aura une fonction de déverrouillage, il n’y aura aucun moyen absolu de la rendre immunisée contre le crochetage. Par contre, certaines serrures se distinguent par leur résistance exceptionnelle au crochetage et autres techniques d’ouverture fine.

Enfin, il est important de souligner que la sécurité ne repose pas uniquement sur la serrure elle-même. D’autres facteurs contribuent à la protection d’un lieu ou d’un objet, tels que les alarmes, caméras de surveillance, et autres technologies pouvant renforcer la sécurité.